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1983-2024 : 41 ans de passion de la radio !
Marc Loison en 1986 / Marc Loison en 2018
Sweet Home Chicago: 1992-2024, la même émission depuis 32 ans !
Passion : un mot qui
à lui seul pourrait résumer l'amour que nous avons tous de
cette musique.
Passion du Blues. Passion pour la communication. Passion pour le
formidable média que constitue la radio libre, depuis son
émancipation en 1981. A 19 ans, c'est fin 1982 qu'un ami m'emmène
au studio de la petite station locale d'Hérouville, émettant
depuis quelques mois, pour y assister à une émission-débat
autour de la musique et des jeunes. J'y fus reçu comme invité,
on m'a tendu le micro pour savoir quel était l'extra-terrestre
qui n'avait répondu ni "New-Wave", ni "Disco-Funky",
ni "Punk", ni même "Rock" à la question
"quel est ton style musical préféré ?"...
En 1978, j'avais entendu passer Albert Collins à la radio. Souvenir fugace d'une guitare acérée et affûtée sur fond de Blues-funk moderne, c'était son premier Alligator... En 1980, Muddy Waters passe à la télé : un fabuleux concert à Antibes, guitare slide et harmo sur fond de shuffle bien souple et redoutablement efficace... Et tout s'enchaîne : je délaisse peu à peu les Santana, Deep Purple, Pink Floyd et Led Zeppelin au profit de Gallagher, Winter, Hendrix, Ten Years After, Mayall... Et très vite je découvre les créateurs et les authentiques : Magic Slim, Hubert Sumlin, T. Bone Walker, Muddy Waters, Buddy Guy, Luther Allison, The Aces... Fort de mes 35 ou 40 vinyles 33 tours, je retourne en février 1983 à Radio Pince-Oreille et déclare au directeur de la station que je VEUX faire une émission de Blues : il me laisse immédiatement un créneau de 2h30 le mercredi après-midi ! Ma rencontre avec Thierry Anquetil lors de son concert en première partie de Screamin' Jay Hawkins en juin 1983 m'amène à découvrir les Otis Rush et Fenton Robinson qu'il apporte à la radio : ensemble nous décortiquons le vibrato, la puissance charismatique du chant de Rush, tout en louant les autres musiciens noirs de nous apporter de tels frissons. Vite devenue TSF 98, la radio continue à m'offrir l'antenne pour "Blues Connection" où Thierry, mais aussi Bernard Marie, Eric Gardrat et Dominique Marchand de Radio Adel me rejoignent de temps à autre pour ouvrir de nouveaux champs musicaux. Je découvre le magazine Soul Bag et m'extasie chaque trimestre de tant de noms inconnus, prometteurs de nouvelles et splendides galettes à écouter et réécouter sans cesse... A l'époque, ce n'est pas encore tout à fait le second "Blues Boom", Stevie Ray Vaughan vient à peine de sortir son premier album et le rock truste toutes les playlists. Les rares disques que l'on se procure sont dénichés à nos frais, sans aide d'aucune sorte : ce n'est qu'en 1987 que, furtivement, Antone's ou d'autres obscurs labels américains consentent à lâcher quelques "samplers", contents qu'on parle d'eux, mais conscients aussi du peu d'audience que nous savons drainer...
L'expérience associative, indéboulonnable pendant de la participation à une radio libre, ne laisse parfois que peu de place au dialogue. Suite à des divergences de vue concernant le fonctionnement même de la radio, je parcours... 300 mètres pour rejoindre, toujours à Hérouville, l'ancienne "Radio pour tous" de Claude Buot, devenue 99 FM. Ambiance rock jusqu'au bout des ongles ! Le blues étant la mère du rock, il a droit de cité... Et un créneau d'une heure me permet de poursuivre, 3 années durant, une émission hebdomadaire avec rubriques, animée par Eric, Dominique et Thierry, mais enrichie des ouvertures que savent apporter les interviews de musiciens et d'organisateurs de spectacle. Un premier voyage à Chicago nous a vu ramener des dizaines d'enregistrements sur K7 de Son Seals, Magic Slim, Buster Benton, Eddie Clearwater, John Primer et de dizaines d'autres noms illustres de la Windy-City. C'est l'occasion d'émissions spéciales et de l'impression d'une petite brochure regroupant des comptes-rendus de concerts nommée "Blues nights in Chicago" avec Thierry Anquetil, Bernard Marie et Alain Françoise. Brochure qui, vendue chez Boogie et Oldies but Goodies, retiendra notamment l'attention du regretté André J.M. Prévos, précieux collaborateur de Soul Bag, qui, après une rencontre fort instructive en 1989, en tiendra compte lors de ses conférences universitaires outre-Atlantique à propos des recherches des français aux Etats-Unis concernant le Blues, aux côtés des pionniers Jacques Demêtre, Kurt Mohr et Jacques Lacava.
1988-1989 fut une saison unique à l'antenne de Radio-Manche (St Lô), et ce fut l'occasion de connaître un matériel plus performant, mais aussi une grille de programmes plus... commerciale. Armé d'une bio et de disques représentatifs du bonhomme, chaque mardi soir, j'eus tout de même la possibilité d'offrir 3/4 d'heure durant aux auditeurs un éclairage sur un bluesman en particulier, puis de proposer 2 ou 3 titres de nouveautés, toujours rapportées jusqu'aux studios avec mes propres deniers. Les hasards des mutations professionnelles ont fait qu'un creux de 3 ans me firent attendre 1992 pour retourner à Hérouville sur 99FM, devenue Radio 666, pour y animer l'actuelle "Sweet Home Chicago", seul dans un premier temps. Là, le marché du disque avait pris un essor conséquent, et il devenait de plus en plus difficile de suivre les sorties sans entamer davantage un porte-monnaie trop plat... Les copies sur K7 allaient bon train, et c'était un bon moyen de faire partager aux auditeurs encore plus de "coups de cur"... L'invention du graveur est depuis passée par là, et les K7 ne sortent plus de leur placard, ni les vinyles d'ailleurs... L'amateurisme des débuts a fait place à un amateurisme plus "consommateur" : en dépit des contradictions lues ici ou là, et des mauvaises nouvelles émanant de labels devant mettre la clé sous la porte (Black Top fut notamment une grosse perte), c'est plus qu'une impression, c'est vrai : les disques de Blues sont actuellement légion, et il devient quasiment impossible d'être exhaustif sans avoir besoin de 10 ou 15 heures de programme par semaine pour arriver à tout faire écouter plus d'une fois !...
Passée à 2 heures hebdomadaires, Sweet Home Chicago est malgré tout encore trop à l'étroit face à la déferlante Internet ! Depuis 1999 et la création du site, et après plusieurs bordées de mails à destination de moult labels spécialisés, les efforts portent enfin leurs fruits : la FNAC me voit de moins en moins souvent, et la boîte aux lettres connaît bien mon sourire ! De partout arrivent démos et albums, et les suivis par mail de toutes les écoutes de disques grèvent à outrance un crédit-temps déjà limite dans 24 heures par jour... J'ai aussi l'impression que les concerts de Blues n'ont jamais été aussi nombreux que maintenant : dans les années 80, il m'arrivait certes moins souvent de "monter à Paname", mais le rendez-vous mythique de Bagneux constituait la seule Mecque du Blues, et les nombreux festivals qui sont nés depuis ne semblent faits à présent que pour nous faire perdre la tête ! A Chicago, à la lecture du Reader en 1987, 10 ou 15 artistes de renom se battaient au quotidien pour occuper l'affiche : autant de concerts en 15 jours qu'en deux ans en France ! A présent, il faudrait être au minimum autiste pour ne pas voir combien l'offre s'est prolongée jusque chez nous. Il n'est qu'à voir l'impressionnante liste des festivals et de salles de spectacle proposant du Blues pour se rendre compte que l'âge d'or, chez nous, n'est pas à chercher dans le passé !
Grâce à Igor Pichon, Patrick Leduff, Bernard Marie, Thomas Troussier, Patrick Demathieu, Samuel Blaire et Laurent Choubrac, Sweet Home Chicago s'est ouvert aussi à d'autres horizons musicaux, parfois "borderline", parfois musiques-cousines comme le Jazz, le rock'n'Roll, la Soul, la Country, le Blues-Rock, le Zydeco... Et "Sweet Home Chicago" pourrait souvent troquer son nom contre celui de "Sweet Home America" !
Résolument tournée vers l'avenir, Sweet Home Chicago continuera d'inciter ses auditeurs à échanger quelques euros pour se procurer le "disque de la semaine" ou à téléphoner pour connaître les coordonnées de tel ou tel artiste ne distribuant pas (encore) décemment sa musique. Les découvertes sont nombreuses au hasard des playlists ! Le site Internet connaît 2000 visites mensuelles, contre 20 à 30 à ses débuts. L'aura de la Chaîne du Blues et de la Gazette de Greenwood a su élargir le public de l'émission, que certains acharnés mettent même un point d'honneur à capter en direct de tous les points de l'hexagone... et même du globe ! La révolution Internet a accompli le miracle que même un obscur artiste californien ou suédois peut entendre SON disque passer en direct sur une station normande. Un rêve pour certains, une réalité pour d'autres : Internet a permis une telle rapidité et une telle ampleur dans l'échange des informations qu'il devient même parfois difficile de gérer sans s'y perdre plusieurs centaines de contacts : artistes et groupes, mais aussi tourneurs, agences et organisateurs de spectacles, internautes demandeurs d'infos, revues blues, autres radios et émissions de Blues... Mais Internet reliant si aisément à travers sa grande toile des personnes partageant la même passion, au détriment des distances, est-il possible de se plaindre ?
Passion est un mot qui ne se galvaudera pas. La technique est au service de l'homme, et non le contraire : la radio et Internet sont des médias complémentaires et indissociables de la philosophie même que je me fais de l'assouvissement de cette passion. Un groupe jouant en bar devant 2 ou 3 clients distraits, on a vu ça 100 fois. Pas sûr que cela soit bon pour la qualité du spectacle ! Combien de fois a-t-il dû m'arriver de repartir du studio avec la quasi-certitude de n'avoir pas été écouté du tout ? Même si cela n'a jamais entamé ma volonté de poursuivre, il est tout de même plus gratifiant de savoir que la préparation d'une émission anime souvent quelques dizaines d'aficionados. N'ayant jamais eu de moyen fiable de sondage, la radio a continué à diffuser sans vraiment connaître l'ampleur de son auditoire. On parle d'un bassin de 10.000 personnes autour de Caen... La diffusion 24h / 24 grâce à Internet de toutes ces centaines de radios et de TVs diffuse... et dilue le message : malgré l'indéniable démocratisation de la culture, on pourrait aussi craindre l'hyper-spécialisation. Internet est un grand magasin : rester au même étage en permanence est bien tentant, tant l'offre est grande. Même en matière de Blues, il vous faudrait des mois entiers de surf pour espérer venir à bout des milliers de pages en français qui y sont consacrées ! L'ouverture n'est peut-être pas toujours au rendez-vous...
41 ans de musique, 41 ans de doutes, 41 ans de communication, 41 ans de rêves, 41 ans de travail, 41 ans de plaisirs : concerts de musiciens locaux, performances de bluesmen étrangers, interviews de dizaines de représentants de cette musique ayant pour point commun la gentillesse et la disponibilité, écoute et critiques de disques, préparation de playlists, multiplication de contacts tous azimuts, élaboration et surtout mise à jour quasi-quotidienne du site, et toujours des rencontres, des échanges, un enrichissement personnel... 41 ans de passion. Celle qui se cheville à l'âme, celle qui ne nous quitte jamais. La passion d'un Blues éternellement présent, rebondissant et surfant sur les modes au mépris de l'éphémère.
The Blues is here to stay, this is the music the radio will still play.
Marc Loison.
La genèse d'une passion
Marc Loison à TSF 98 - 1984
Je suis né le 18 juillet 1963 à Caen (14). J'ai débuté la radio en février 1983, avec "Radio Pince-Oreille" sur Hérouville, station vite devenue TSF 98 avec le changement de fréquence et les fusions obligatoires à l'époque. De "Chrysler Blues" sur Pince-Oreille, où le Blues devait partager sa place avec le rock (pop, hard), l'émission est devenue "Black 'n' Blues" sur TSF 98 et s'est axée "pur Blues".
Dès cette époque, la rencontre avec Eric Gardrat, Bernard Marie, Dominique Marchand et Philippe Groslier de Radio ADEL m'ont permis de connaître le magazine Soul Bag et de découvrir que la musique pouvait créer des liens d'amitié. Thierry Anquetil a longtemps partagé l'antenne à mes côtés, apportant ses disques d'Otis Rush et sa passion de la guitare.
En 1986, après 110 émissions "Black 'n' Blues", je quitte TSF 98 pour RVO (Radio Vision Ouest)... qui coulera 3 mois plus tard! L'émission (il n'y en aura eu que 11!) s'appelait "Rockin' the Blues". C'est alors le refuge chez Radio Pour Tous, qui deviendra vite 99 FM (la radio de la MJC d'Hérouville) pour "Blues Connection" avec Dominique Marchand, Thierry Anquetil et Bernard Marie.
En 1988, je quitte la région et 99 FM pour Saint-Lô et Radio-Manche. Durant la saison 1988/89, c'est donc "Blues Time" sur Radio-Manche à St Lô (50) avec chaque semaine un "spécial" sur un bluesman en particulier: Buddy Guy, Albert Collins, Johnny Copeland...
En février 1992, c'est le retour à Caen avec SWEET HOME CHICAGO sur RADIO 666 sur 99.1 FM.
De novembre 1999 à décembre 2001, Gilles-Romain-Vimont a ponctuellement co-animé l'émission avec moi. Depuis février 2002, ce furent Bernard Marie (ex-bassiste des Hoodoomen), Thomas Troussier (Ancien DJ à TSF98, ancien harmoniciste des Bluetones) et Igor Pichon (ancien leader de Spoonful, bassiste de Malted Milk) qui sont venus de temps à autre apporter leur savoir et leurs disques! En août 2002, c'est au tour de Patrick Leduff (ancien batteur de Caps & Hats) de compléter l'équipe de SHC. Depuis novembre 2002, Patrick Demathieu vient de temps à autre de Paris apporter ses lumières sur les bluesmen d'hier. Ensuite (2005-2007) on a vu Samuel Blaire venir régulièrement au studio, ainsi que Laurent Choubrac depuis 2005 (chanteur-guitariste de Westbound) pour une rubrique mensuelle "Les rockers font du Blues" puis des numéros spéciaux consacrés à des "non-bluesmen". Accompagné parfois de Jean-Christophe Pagnucco (Les Witch Doctors, Gravel Road) depuis 2014, ils interviennent ponctuellement au micro pour des éclairages historico-musicaux autour d'artistes de renom. Ouverture !...
2024... l'aventure continue !
LAUREAT FRANCE BLUES 2016
MARC LOISON a reçu cette distinction pour l'émission Sweet Home Chicago et 33 ans au service de la radio et du Blues !
Cahors, 15 juillet 2016 de gauche à droite : Jean Guillermo, président de France Blues / Robert Mauriès, président du Cahors Blues Festival / Jacques Morgantini, l'homme qui a apporté le Blues à la France / Marc Loison, animateur de Sweet Home Chicago / Christian Le Morvan, rédacteur en chef de Blues Magazine.